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Shoot the stars

19 février 2011

Ti amo Italia

Je rentre juste de voyage avec James, un voyage improvisé suite à notre dernière rencontre.

On a décidé sur un coup de tête de prendre le premier vol disponible à l'aéroport après notre dîner.

La destination ?

Rome.

J'y étais déjà allée mais James, non.

On a trouvé sur place une petite auberge familiale en plein centre de Rome, à deux pas du Colisée.

Vous pensez que tout ceci est romantique ?

Ca aurait pu, si James et moi étions sortis ensemble mais rien de tout cela ne s'est produit.

Quand nous nous sommes revus le lendemain de son texto enflammé où il me faisait comprendre qu'il était attaché, nous avons fait preuve tous deux d'une grande timidité, c'est comme si on ne s'était jamais vus, comme s'il fallait tout recommencer.

Cette soudaine distance était franchement pénible.

On était mal à l'aise, comme si on ressentait tous deux cette pression désagréable de devoir s'avouer nos sentiments là, de suite, maintenant.

On est restés assez silencieux durant le dîner afin de ne pas avoir de comptes à se rendre.

A la fin, James commençait à ne plus tenir en place.

Il regardait sa montre et se grattait le cou.

Il a alors suggéré, comme pour mettre fin une bonne fois pour toutes à tous ces silences pesants: "Et si on partait ? Là, maintenant, on file a l'aéroport et on prend le premier vol qu'on trouve."

J'étais choquée.

Des tas de questions m'ont traversé l'esprit: "Mais on n'a pas de bagages ! Comment je vais survivre sans des dizaines de vêtements de rechange ? Sans mon lait démaquillant et mon labello ?"

S'apercevant bien de ma panique, James m'a déposé chez moi pour que je réunisse quelques affaires, voilà ce que je déteste le plus au monde: avoir dix minutes pour réfléchir à un sac d'une semaine.

Je me suis dit que si j'y passais trop de temps, il allait trouver ça suspect ou penser que je suis une vieille mémère paniquée ayant besoin d'une journée pour remplir un petit baluchon.

C'est le cas !

Constituer un bagage digne de ce nom en quelques minutes n'est pas envisageable pour moi.

Il y a trop de choses que je veux emporter, j'ai toujours peur de manquer.

J'ai réuni un maximum d'affaires que j'ai tassé dans un gros sac à dos, j'ai balancé dedans tous mes produits de beauté ainsi que trois paires de chaussures et j'ai rejoins James.

Dans la voiture, alors que nous roulions vers l'aéroport, je me suis rendue compte que je n'avais pas coupé le gaz ni fermé les volets, et pire que tout, mon chat préféré était resté enfermé à l'intérieur !

Ne voulant pas infliger à James un énième demi tour, j'ai appelé ma soeur qui a mon double de clé en la suppliant de venir régulièrement voir le chat.

Heureusement, elle a dit oui, je sais qu'elle s'en occupe toujours bien.

"Ouf, je vais enfin pouvoir me détendre" pensais-je.

J'étais loin d'imaginer la suite.

Arrivés à l'aéroport, on a eu la chance d'embarquer deux heures plus tard pour Rome.

Dans l'avion, on n'a pas échangé un mot.

James somnolait à moitié.

Des tas de questions ont commencé à germer dans mon esprit: "Pourquoi tu es dans cet avion avec ce type que tu connais à peine ? Tu as des impératifs à Paris, tu vas devoir appeler tous les maîtres des chiens que tu dois promener cette semaine pour tout annuler, que leur diras-tu pour justifier ton absence d'une semaine ? Et que va penser ta soeur ? Elle va t'assaillir de questions à ton retour et te fera la morale."

Extrêmement stressée, j'ai passé tout le vol à cogiter en observant James et en réalisant que je n'étais absolument pas sûre de mon coup.

Arrivés à Rome, on a décidé de dormir à l'hôtel de l'aéroport.

Il était très tard pour prendre un taxi et trouver un hôtel correct.

A la réception, une dame nous a demandé: "One room or two ?"

Bonne question.

J'ai répondu de suite: "Two. Or one with two beds."

James n'a rien dit, il a baissé les yeux.

Dans la chambre, on s'est rapidement glissés dans nos lits respectifs et on s'est endormis en silence.

Quand je me suis réveillée le lendemain, James n'était plus là.

J'ai regardé l'heure: midi.

Forcément...

Je me suis précipitée dans la douche, je me sentais moche et nulle.

J'ai essayé de trouver une tenue correcte et j'ai réuni mes affaires.

Une heure s'est écoulée, James n'était toujours pas revenu.

J'ai décidé de l'appeler mais je suis tombée sur son répondeur.

Inquiète, j'ai décidé de descendre dans le hall pour jeter un oeil.

Personne.

Je l'ai soudain aperçu à l'extérieur, fumant une cigarette avec un jeune homme plutôt beau gosse.

Je les ai rejoins, manifestement je gênais.

James a bafouillé: "Hey ! Je te présente Umberto, il travaille ici. On se parle en anglais car je suis nul en italien. Tu as bien dormi au fait ?"

- Oui... T'es levé depuis longtemps ?

- Oui. Depuis 8 heures du matin.

- Bon... On bouge ?

- Eu... Ok, va à la chambre, je te rejoins.

Putain, ça commence bien, ne me dites pas que James est de la jaquette !

Il dévore ce type des yeux et semble assez importuné par ma présence, ça sent le sapin.

Dans la chambre, j'ai fait les cent pas en me disant qu'il valait mieux rentrer à Paris aujourd'hui et ne pas perdre mon temps avec cet abruti.

Il a déboulé dans la chambre avec un sourire radieux en m'annonçant fièrement: "Et voilà ! J'ai tout ce qu'il nous faut. Umberto m'a donné l'adresse de l'auberge à ses parents, en plein centre ville. Il m'a même dit de demander "Otto" au niveau des taxis, qu'il nous y conduirait pour pas cher. J'ai toute une liste des meilleurs restaurants de Rome et de tout ce qu'on va pouvoir faire en une semaine."

J'étais embêtée d'avoir eu ce genre de pensées sordides au sujet de James et me rendait bien compte de la jalousie et la paranoïa dont je faisais preuve dès qu'un homme ne se comportait pas comme je le voulais.

J'ai avoué à James: "Tu es sûr que... Non rien."

James n'a pas percuté que j'avais des doutes, il a attrapé ses affaires en riant et on est montés dans le taxi de ce cher Otto qui nous a déposé à la superbe auberge des parents d'Umberto pour quelques euros seulement.

La chambre était sublime, composée d'un grand lit king size, d'une salle de bains à l'ancienne avec une baignoire posée à même le sol au milieu de la pièce ainsi que d'une vue imprenable sur Rome depuis une grande terrasse privative.

Inquiète, j'ai demandé à James le prix de six nuits dans une auberge aussi raffinée.

Il m'a juste répondu de ne pas m'inquiéter, qu'il se chargeait de payer.

Gênée, j'ai refusé (ben oui, s'il me paye l'hôtel, je vais devoir lui payer tous les restos et je n'ai pas les sous).

Il a insisté en me disant qu'il avait les moyens, que ce n'était rien pour lui.

J'ai décidé de mettre les pieds dans le plat: "Ecoute, je suis mal à l'aise. J'ai un budget ridicule. Tu as déjà payé les billets d'avion et l'hôtel à l'aéroport, je me sens comme un gros boulet. Je n'ai pas les sous pour me payer des grands restaurants. Et encore moins pour t'inviter. Je peux juste payer les cafés durant la journée et les apéros, on se croirait aux restos du coeur..."

Il a ri: "Je sais très bien que tu ne roules pas sur l'or. Je me fiche de tout payer, l'argent pour moi ne représente rien. Tu es là pour t'amuser, oublier Paris et te laisser vivre, ok ?"

Il y a quelque chose de pas net chez James.

Je n'arrive pas à savoir ce que c'est.

Nous avons passé la première après-midi à visiter le Colisée et les environs, après avoir englouti d'excellentes lasagnes et bu un délicieux Chianti.

Le soir, il a voulu me "sortir" et m'a demandé de mettre une robe.

Nous sommes allés dans un grand restaurant, endimanchés de la tête aux pieds.

Pendant le dîner, nous avons enfin ri.

Nous étions excités comme des puces.

Le vin m'a monté à la tête et je me suis sentie désinhibée.

Après le dîner, on a bu des coups dans diverses trattorias en se racontant nos vies et avons regagné l'auberge, non sans mal.

Il faisait un froid de gueux dans les rues de Rome.

En rentrant, j'ai proposé un bain à James.

J'ai ouvertement fait part de mes intentions.

James était gêné, il s'est écroulé sur le lit en riant: "Non, il est tard, je vais dormir."

Agacée, je l'ai rejoins dans le lit.

C'était la première fois qu'on dormait côte à côte.

Emoustillée, je me suis approchée de lui et j'ai commencé à lui caresser le bras.

Il s'est éloigné.

Je lui ai demandé: "Y a un problème ou y a un problème ? Non parce que j'ai l'impression que je te rebute."

Il s'est redressé et s'est assis en soufflant: "Non, pas du tout, c'est juste que je me suis précipité."

- Super... Donc le texto noeud noeud que tu m'as envoyé en me baratinant, c'était du vent ?

- Non, je pense tout ce que j'ai dit. Je te trouve super, drôle, intelligente, belle. C'est juste que... comment te dire ça... je cherche une relation où il n'y ait pas de sexe.

J'ai cru tomber à la renverse.

J'ai bafouillé: "Tu es vierge ou tu es... gay ?"

Il a soufflé, comme s'il était soulagé: "Oui, je suis gay."

Je suis sortie du lit, furieuse et me suis enfermée dans la salle de bains.

Il est venu taper à la porte.

J'ai gueulé: "Va te faire... Rien, laisse-moi."

- Je veux une femme, une femme comme toi, pour pouvoir me marier et avoir des enfants. En toi, j'ai trouvé tout ce que je recherchais et je pensais que tu pourrais comprendre ma situation vu que tu es ouverte d'esprit et indépendante.

- Tu cherches une femme paravent en gros ? Pour ne pas être déshérité par tes vieux et pouvoir garder une crédibilité ?

- Oui, mais le mot "femme paravent" ne me parait pas approprié.

- Pff, ah oui, et t'appelles ça comment ? Tu es en train de m'acheter. Tu m'as menti, tu m'as charmé, tu m'as trimballé ici et ça m'a chaviré le coeur parce que je me suis dit qu'il y avait enfin un homme qui s'intéressait à moi pour ce que j'étais ! Et au final, ce ne sont que des mensonges !

- Je t'aime vraiment Rose mais à ma façon. Sans désir sexuel derrière.

- Ouais, super.... Tu vas passer ta vie à jouer la comédie auprès des autres, à rendre ta femme et tes enfants malheureux, c'est ça que tu veux ?

James a quitté la chambre.

Il n'est pas rentré de la nuit.

Ca m'a laissé le temps de réfléchir: si je veux m'éclater à Rome toute la semaine et profiter de l'argent de James, je devrais lui présenter mes excuses et lui dire qu'il me faut du temps pour réfléchir, comme ça il pensera que je suis peut-être intéressée et m'entretiendra.

Le lendemain midi, il a regagné la chambre, le visage ravagé.

Je me suis excusée: "Ecoute, c'est ta vie, je le respecte. Par contre, il me faut du temps pour réfléchir. Eclatons-nous cette semaine et on verra la suite."

James, soulagé, m'a serré dans ses bras: "Merci."

Il me faisait pitié à vivre dans le mensonge en achetant les gens dans l'espoir te taire sa vraie nature.

Nous avons passé une semaine formidable, j'ai décidé d'oublier tout ce que j'avais découvert et de me faire entretenir.

James m'a emmené dans les plus grands restaurants, m'a offert des vêtements et des chaussures de grands couturiers Italiens, on a visité des tas de musées, d'églises, de monuments, on a mangé, on a bu et on a même réussi à rire.

Nous sommes rentrés hier soir à Paris.

Le trajet du retour a été silencieux, tout comme le vol retour.

Il semblait que James attendait quelque chose de moi, un mot, n'importe quoi.

Arrivée chez moi, je lui ai dit: "Ecoute, j'ai réfléchi durant toute cette semaine et je ne veux pas de cette vie-là. Je ne veux pas être ta femme ni la mère de tes enfants. D'ailleurs, je ne veux être la femme de personne et surtout, ne pas avoir d'enfants. Cette vie que tu proposes aux femmes n'est pas une vie. Tu les aliènes à ta condition, tu les forces à mentir et tu les rendras malheureuses, tout comme tu m'as rendu malheureuse. Tu es quelqu'un de bien et je te souhaite vraiment de trouver une femme mais ça ne sera pas moi, c'est définitif."

James est resté silencieux.

Il ne semblait pas vraiment triste ni étonné, plutôt las.

Je lui ai pris la main: "Mais être ton amie, ça me fait très plaisir."

- Tu m'étonnes...

James m'a souhaité une bonne nuit et a filé à toute bombe.

J'ai bien compris qu'il ne me recontacterait plus jamais.

Il m'a entretenu comme une poule de luxe pendant une semaine pour, au final, essuyer un non ferme et définitif.

M'en fous.

J'ai passé une super semaine, c'est l'essentiel, non ?

Il finira forcément par trouver quelqu'un, il y en a forcément une qui sera ravie de se faire entretenir toute sa vie en échange d'une bague et d'un gamin.

Quant à moi, il est clair que je ne veux plus rencontrer personne, ils ont tous un grain.

Y en a pas un pour rattraper l'autre et je ne me ferai plus avoir.

 

 

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12 février 2011

Au resto bobo

J'ai revu James hier soir.

Ces derniers jours ont été plutôt calmes.

J'ai la vague impression qu'Ely s'en est donnée à coeur joie pour me faire mauvaise presse.

Je n'ai pas eu beaucoup de demandes, que ce soit pour les chiens ou pour aller récupérer des achats.

J'ai eu le temps de finir les deux saisons d'Extra, c'est dire.

Hier soir, j'ai retrouvé James dans un énième resto bobo branché de Paris.

Dès qu'on s'est installés, il s'est confié à moi: "Tu m'as ouvert les yeux sur mon comportement égocentrique et rustre. Je voulais t'en remercier. Tu as raison, je ne suis pas le centre du monde. Tu es là aussi. Ce soir, je souhaite vraiment qu'on parle de toi, qu'en dis-tu ?"

- Je ne suis pas le genre de personnes qui s'extasie en racontant sa vie, James. Ma vie est une vie sans rebondissements, y a rien à dire dessus. Et les souvenirs croustillants ne me reviennent pas comme ça.

- Ok, je comprends, parlons de ce que tu veux alors ! La dernière expo de Monet ? Les émeutes en Egypte ? La neige à Chicago ?

- Peut-être pourrions-nous ne pas parler pendant quelques minutes, parce que là tu cherches à meubler le silence et c'est super stressant, je te jure...

- Ok.

J'aime me taire et observer les gens.

James semble nerveux à cette idée manifestement.

Il se gratte frénétiquement le cou où je distingue les traces d'un eczéma tant d'années combattu.

Il ne tient pas en place.

Je lui prends la main et murmure: "C'est difficile à ce point ?"

James s'est confié à moi tel un enfant: "Disons que je suis assez perturbé, oui. Je suis de nature angoissée."

J'ai décidé d'aborder le sujet: "quels sont tes quatre souvenirs culinaires qui t'ont le plus marqué ?"

Bon sujet puisque nous n'avons parlé que de ça durant toute la soirée.

James et moi sommes de bons vivants passionnés de cuisine.

Autant vous dire que la discussion ne s'est pas limitée à quatre souvenirs culinaires et que nous sommes souvent tombés d'accord.

Nous sommes partis les derniers du restaurant.

On a pris le métro ensemble, il a décidé de me ramener chez moi alors qu'il habite à l'autre bout de la ville.

Ca lui est égal.

Je trouve ça super romantique parce que je ne le ferai pour personne, je suis trop peureuse la nuit dans les derniers métros.

En chemin, il m'a demandé ce qu'il en était concernant les plus souvenirs musicaux.

On a évoqué des passions communes, il connaît énormément de choses, bien plus que moi.

Il a commencé à fredonner certains airs pour me rafraîchir la mémoire.

Ca m'a fait rire car il avait l'air très sérieux en le faisant alors qu'il chante mal.

On a commencé à rire et à ne plus pouvoir s'arrêter.

Arrivés chez moi, je l'ai invité à venir boire un café mais il a refusé.

On s'est embrassés comme deux amis et j'ai regagné mes pénates.

J'ai alors reçu un texto de James: "Chère Rose, j'ai passé une excellente soirée, tu es merveilleuse. Je te trouve belle, drôle, intelligente. J'en ai déjà trop dit je crois. Tu me manques déjà, on se revoit quand ?"

Il semblerait que James s'attache.

Mais qu'en est-il de moi ?

Je me suis si souvent cassée les dents que ce genre de textos m'effraie plus qu'autre chose.

Mais n'est-ce pas là la vie ?

Ne doit-on pas se mettre en danger en permanence pour savoir si, oui ou non, cette personne est peut-être faite pour nous ?

Et si c'était lui ?

Et si ça ne l'est pas, la seule façon de le savoir est de le revoir.

J'ai à mon tour envoyé un texto: "Ne précipitons rien. Demain, c'est bon ?"

Niveau crédibilité, on repassera.

En tout cas, il a dit oui !

8 février 2011

Turner et Monet dans ma maison

Ah, la vie de célibataire, quel bonheur.

Ca laisse tout le temps pour penser à des choses essentielles: "Je mets le réveil à onze heures ou à midi ? J'attends ce soir pour manger de l'ail ou je me le tente dès ce midi ? Faudrait vraiment que je me lave les cheveux... Oui, faudrait mais un autre jour. Je passe la journée en guenilles ou en robe de chambre ?"

Puis vient le temps des questions existentielles :"Peut-être que je ne serai jamais mariée et que je n'aurai jamais d'enfants. Croisons les doigts ! Peut-être que je ne trouverai jamais de travail épanouissant. Mais de toute façon, un travail est, par essence, ennuyeux et déprimant. Peut-être que je pourrai me mettre au sport et me tonifier. Sinon je peux aussi rester molle et flasque, c'est rassurant."

Oui, définitivement, ma vie de célibataire promeneuse de chiens me satisfait.

J'ai même décidé de m'offrir prochainement un petit voyage au Japon pour me récompenser de mener une vie aussi trépidante.

Je vais partir seule car je suis une fille téméraire.

Je n'ai besoin de personne.

De toute façon, tout le monde m'a dit non.

Les arguments ?

"C'est trop cher", "L'alimentation à base de riz me constipe vraiment", "Y a trop de gens qui se ressemblent, ça va me stresser, j'aurai l'impression de voyager dans une seule et même famille", "Je déteste le poisson cru" ou encore "J'ai peur des radiations d'Hiroshima."

En attendant de partir, à savoir dans un mois, je profite de cette belle journée pour.... ne rien faire.

Ca tombe bien, j'ai envie de jeter un oeil aux tableaux que Mac Cormick m'a demandé de cacher.

Je ne sais pas si je dois, ils sont tellement bien emballés, il va forcément s'en rendre compte.

Oh puis zut, je suis trop curieuse.

En déballant, je découvre un tableau de Monet (du moins, c'est signé Monet et ça y ressemble vraiment), suivi d'une aquarelle ressemblant étrangement à un Turner.

Si ça se trouve, ce sont des tableaux volés.

C'est excitant !

J'ai entre mes mains des tableaux qui valent sans doute une fortune !

Et si je m'enfuyais avec ?

Je pourrais recommencer une nouvelle vie !

Je sais déjà où aller: Zanzibar.

C'est juste pour le nom, ça me plaît.

Rose à Zanzibar avec des millions d'euros pour avoir vendu seulement deux tableaux.

Oui, je pense que cette vie-là me plairait bien.

Mes divagations ont vite pris fin quand j'ai vu mon chat pisser sur le papier à bulle d'un des tableaux.

Paniquée, j'ai vite essuyé ça en m'assurant que ça n'ai pas atteint la toile.

J'ai décidé de tout remettre à sa place.

Je suis persuadée que ce sont des tableaux volés alors je ne vais pas prendre le risque de les endommager.

Une vie entière ne suffirait pas à en rembourser un seul.

Mon téléphone a sonné: James ??

Je n'ai pas répondu.

Il m'a laissé un message: "Salut, c'est James. Je serai ravi de te revoir, je crois qu'on s'est quittés sur un malentendu. J'ai tendance à beaucoup parler de moi et je m'en excuse. Je voudrais vraiment te revoir. Appelle-moi."

Ca, c'est la meilleure de la journée.

Je ne pensais pas qu'il rappellerait après la façon dont je lui ai parlé au restaurant.

Il doit aimer ça, en fait.

Peut-être qu'il se rêve une soirée "sadomaso" où je le fouette et l'insulte.

Oui, pourquoi pas, ce n'est pas comme si j'avais des dizaines de prétendants.

En plus, il est riche, il n'a qu'à me payer une nuit dans un palace.

Oh puis non, ce genre de velléité ne m'apporte rien de bon et je ne le sais que trop.

Prends sur toi Rose, prends sur toi, ne cède pas aux tentations matérielles et futiles, tu vaux mieux que ça.

" Allô James, salut c'est Rose. J'ai bien au ton message, c'est ok pour moi. Demain soir, à l'hôtel Crillon ? Ok, à demain !"

6 février 2011

Dans le bois de Vincennes

J'ai revu Andrea plus tôt que prévu.

Hier, j'avais prévu une soirée dvd tisane décoiffante en compagnie de mon chat.

Andrea m'a appelé à vingt heures en me demandant ce que je faisais.

J'ai prétexté être au restaurant avec des amis.

Il a ri: "Alors pourquoi ton appartement est éclairé ?"

Etonnée, je me suis approchée de la fenêtre, il m'attendait en bas, avec le chauffeur.

J'étais déjà en pyjama en train de préparer des spaghettis.

Andrea m'a supplié de sortir avec lui.

J'ai enfilé une robe rapidement (une Chanel, tiens) et l'ai rejoins.

On a filé au bout de Paris.

Il m'a amené dans un tout petit restaurant antillais de Vincennes.

On a bu des planteurs toute la soirée, Andrea n'a pas arrêté de dire des bêtises.

J'ai passé ma soirée à rire, ce garçon est tellement drôle et spirituel.

Et puis il est très tactile, il passe son temps à me prendre la main en riant ou à poser sa main sur ma cuisse à chaque moment "complice".

C'est officiel, je crois qu'il me drague.

Il ne me reste plus qu'à faire abstraction de sa ressemblance avec Harry Potter.

J'ai vraiment du mal à surmonter ce point.

Les heures se sont écoulées, je suis tombée accidentellement sur une rondelle de piment antillais égaré dans l'assiette en fin de soirée, au moment où Andrea me passait la main dans les cheveux.

Je n'ai jamais autant souffert de ma vie je crois.

Je suis devenue écarlate, ma gorge a gonflé, je n'arrêtais pas de boire et de manger de la mie de pain mais rien n'apaisait le feu.

Je suis partie aux toilettes me jeter de l'eau sur le visage et dans le cou, les rougeurs ayant gagné mon torse.

J'ai inondé ma robe Chanel.

J'avais l'impression de prendre feu de partout.

Andrea est venu aux toilettes me demander si ça allait, je me suis mise à pleurer: "Non, c'est atroce, j'ai mal partout, je me consume de l'intérieur. Je vais mourir, je le sens, je suis sérieuse !"

- Attends, je reviens.

Andrea est revenu avec une sorte de breuvage bizarre préparé par la propriétaire des lieux.

J'ai bu d'une traite et le feu s'est atténué nettement en quelques secondes.

J'ai gueulé: "Pourquoi j'ai pas bu ça avant, hein ? Tu trouves ça drôle de me voir gonfler à vue d'oeil et de m'arracher la peau ? Putain, j'y crois pas, je suis furieuse, tu le sais ? Et quand je suis furieuse, ça s'en va pas comme ça ! Ca reste bien plus longtemps que cette saloperie de piment, crois-moi !"

Andrea n'a rien répondu, on est repartis s'asseoir mais je n'avais plus aucune envie de parler.

Cette petite scène a fait rire tout le monde dans le restaurant sauf moi.

Les gens sont cons, ils voient une personne en détresse et ça les amuse.

Qu'ils aillent donc tous au cirque et en enfer au passage.

Andrea m'a offert le repas et a demandé à son chauffeur de nous amener "là où tu sais".

J'ai rétorqué: "Ce "là où tu sais", c'est l'endroit où t'amènes toutes tes copines, c'est ça ? Vous êtes de mèche ?"

- On n'est même pas ensemble, toi et moi.

- Non mais quand je dis copine, c'est général.

- Pas du tout. C'est un endroit où j'allais quand j'étais petit, au bois de Vincennes. J'y ai construit une cabane à l'époque tout en haut d'un arbre avec mon père, la seule fois où il a daigné m'accorder du temps. La cabane n'a jamais cédé aux intempéries.

- Ah...

On a roulé longtemps, j'ai commencé à piquer du nez sur la banquette.

Andrea m'observait, même les yeux fermés je m'en rendais compte.

Arrivés dans le bois, on a dû monter tout en haut d'un arbre.

Heureusement, Andrea avait à l'époque cloué des planches un peu partout dans l'arbre afin d'imiter un escalier.

On a réussi à monter sans trop de complications.

Arrivés en haut, j'ai été bluffée par la vue imprenable sur Paris, une merveille.

Andrea a allumé des bougies déjà disposées par terre.

J'ai trouvé ça bizarre, comme s'il était venu dans l'après-midi pour tout préparer.

A la lueur des bougies, j'ai effectivement aperçu des pétales de roses au sol.

J'ai trouvé ça d'un goût douteux.

Andrea m'a montré du doigt certains endroits lointains: "Là-bas, c'est la tour Eiffel, on voit rien mais je t'assure qu'elle est là-bas. De l'autre côté, on a Montmartre, tu vois le relief ?"

Ce que je vois surtout, c'est le relief dans le pantalon d'Andrea, il a une érection.

Ca m'a gêné, je me suis reculée, il m'a pris la main et m'a dit: "J'ai envie de t'embrasser."

Ca tombait mal, ce n'était pas du tout mon cas.

Je n'aime pas les lovers à deux balles qui ne font rien spontanément.

Il a essayé de m'embrasser, j'ai reculé et j'ai manqué de tomber de dix mètres de haut.

Il a commencé à s'énerver: "J'aime pas les allumeuses dans ton style."

- Quoi ?! Rustre, va ! Je ne t'ai jamais allumé, au contraire !

- Ah oui ? Alors pourquoi tu as accepté mon invitation au restaurant ? Pourquoi tu t'es habillée avec cette robe et ces talons ? 

- Mais t'es complètement malade ! T'es pas du genre érotomane ?

- T'es une pauvre fille, j'ai eu pitié de toi, ma mère m'a dit que t'étais un genre de Causette mal dégrossie, que j'avais qu'à en profiter pour me distraire un peu mais en fait, t'es hyper compliquée. Tu me fatigues. En plus, on dirait que tu fais la gueule tout le temps.

- Et moi, ta mère m'a dit que t'étais un pauvre loser dépressif et alcoolique et que je devais te distraire. C'était mon dû envers elle pour la semaine.

On est restés silencieux tous les deux.

Il a fait les cent pas dans sa cabane.

Lasse, j'ai dit: "On a qu'à rentrer et oublier tout ça."

C'est ce qu'on a fait.

Le retour a été plus que silencieux.

Andrea bidouillait sur son iphone et moi, je regardais mes pieds.

Il m'a déposé devant chez moi et a marmonné: "Bon, c'est pas la peine qu'on se revoit. T'es une fille ennuyeuse à mourir et moi, je suis un tocard. On a rien à faire ensemble. Salut."

J'ai quitté la voiture, soulagée, en me disant que je n'avais plus à faire d'efforts.

J'ai reçu un coup de fil de la mère d'Andrea une heure après m'annonçant que j'étais officiellement virée, que je ne m'occuperai plus jamais de Nuage et qu'il était hors de question que j'approche à nouveau son fils.

Ce salaud a dû se venger en disant que je l'avais humilié ou je ne sais quoi.

Zut, une cliente de moins.

Ca m'apprendra à me faire entretenir...

 

5 février 2011

Panique à Poudlard

Je reviens de ma soirée chez Andrea, le fils dépressif d'Ely.

J'ai été conviée pour vingt heures.

Je suis arrivée en tenue "décontractée" histoire de ne pas attirer l'attention d'Andrea au cas où celui-ci aurait la bonne idée de vouloir me draguer.

Je connais ce genre de laiderons, ils sont lourds et dragueurs au possible.

A peine entrée, j'ai découvert que ce n'était pas un simple dîner de famille en petit comité.

Dans le salon, quelques stars du showbiz à lunettes (de soleil, pratique pour bien voir à l'intérieur), une bande de jeunes boutonneux, sans doute d'anciens amis du lycée d'Andrea qui ont manifestement conservé des cicatrices de leur puberté.

Et autour d'eux, des gens chics, plus ou moins vieux.

En tout, une vingtaine d'inconnus.

Youpi, je suis encore une fois la plus mal fagotée.

Ah non, la femme de ménage me fait concurrence, on porte le même gilet.

Ely m'introduit à son fils qui ressemble effectivement à Harry Potter, en moins pire, enfin je crois.

J'ai bu tellement de champagne pour oublier que mes souvenirs sont quelque peu faussés.

Andrea n'a pas l'air si dépressif, il reluque les filles en papotant avec n'importe qui.

Il se siffle les coupes rapidement, un peu comme moi.

Je m'ennuie à mourir, je suis mal sapée alors je me camoufle comme je peux derrière les plantes vertes du salon.

L'apéritif est sans fin, deux heures s'écoulent.

Je m'occupe de Nuage, comme à l'accoutumée, ça me donne une bonne excuse pour ne pas me fader les gens de la jet set qui de toute évidence me prennent pour la bonniche de service et me demande régulièrement à boire ou la direction des toilettes.

Andrea me repère et vient me parler: "Salut, c'est toi la nounou de Nuage ?"

- Oui, on va dire ça... Enchantée.

- Moi de même. Maman m'a beaucoup parlé de toi. Un esprit fin dans un corps fin paraît-il.

- Ah.... Alors, les études, ça bosse dur ?

Je suis une salope. Je sais pertinemment que ce pauvre gamin galère mais je ne sais pas de quoi lui parler.

Il rie de bon coeur: "Esprit fin, en effet, avec la dose d'ironie qui va avec... Tu viens, je vais te montrer quelque chose."

Me montrer quelque chose ? Genre sa baguette magique ?

Il m'amène à sa chambre et s'allume un pétard.

Il fume avec plaisir et se vautre sur son lit: "Je suis prisonnier de la maison pour une semaine. J'ai vingt -cinq ans et mes parents me traitent encore comme si j'étais un gosse."

- C'est le problème de dépendre d'eux financièrement.

- Ouais, il me tarde vraiment d'avoir mon travail et mon salaire.

Je ne sais pas quoi raconter.

Je constate que sa chambre est bien décorée, il y a des posters de Muse, des White Stripes, des Rolling Stones.

Il me demande: "Tu veux tirer ?"

- Non merci, j'aime pas ça. Je préfère le champagne.

Il me demande de venir m'allonger sur son lit.

Gênée, je m'assois sur le bord du lit.

Il me touche le bas du dos: "Tu as peur que je te viole ?"

- Bof, non, pas vraiment.

- Détends-toi, viens t'allonger.

- Non, c'est... bizarre.

- Bizarre, oui, ça l'est. Tu me rends bizarre. J'ai envie de te poser des tas de questions en t'embrassant.

- T'auras du mal à faire les deux.

- Je peux te poser des questions sans t'embrasser, juste en te caressant.

Je me suis levée, excédée: "Bon, écoute, t'es moche, franchement. Tu me plais pas du tout. On peut aussi parler sans que tu me sautes, non ? C'est envisageable pour un bac + 7 ?"

Il a ri: "T'as un sacré culot quand même. C'est pas très sympa de dire que je suis moche."

- Oui ben t'es pas canon non plus.

- Non, toi non plus.

- Merci, je sais.

- T'es mieux que ça, t'es magnifique.

J'ai éclaté de rire: "On vous apprend la finance à Harvard mais pas la drague. C'est trop prévisible et tellement mensonger."

- Je suis sérieux, t'es superbe. T'es encore plus belle que dans mes rêves.

- Tes rêves ? Tu ne m'as jamais vu !

- Si, justement, maman m'avait envoyé une photo de toi. Elle t'a photographié avec son iphone chez Chanel.

- Ah... Sympa...

- J'espère que tu vas revenir dans la semaine, on pourrait se faire une soirée dvd ou aller au restaurant.

- Eu... Oui, pourquoi pas... Il faudrait peut-être rejoindre les autres.

- Non, je suis un asocial doublé d'un sauvageon. Tout le monde le sait, je fais souvent une apparition et puis, je m'évapore et personne ne le remarque. Ca te dit un bon film ?

- Je ne voudrais pas que ta mère se vexe.

- Ma mère fait son numéro devant ses amis riches, elle s'en fiche bien de toi. Les Affranchis, ça te tente ?

- J'adore ce film. J'adore Scorsese.

- Super, moi aussi.

Nous avons regardé le film en silence, sur son lit, c'était plutôt agréable.

A la fin, je lui ai avoué: "Je voudrais vraiment rentrer chez moi mais je ne veux pas avoir à repasser par le salon, je vais être piégée."

- Ca, c'est clair. J'ai une issue de secours, je te ramène chez toi.

On s'est échappés par sa fenêtre et avons emprunté un escalier extérieur menant dans une ruelle.

Il a appréhendé un taxi.

On a fait la route en silence.

Arrivée chez moi, je lui ai proposé de monter pour un café.

Il a refusé: "Non, je ne vais pas non plus t'infliger ça."

- Ca me fait plaisir.

Il est resté plus de deux heures, on a parlé de tout un tas de choses.

Quelque chose cloche chez lui mais je n'arrive pas à savoir ce que c'est.

Il est vraiment charmant, poli et attentionné, intelligent et spirituel mais il y a quelque chose qui me met vraiment mal à l'aise et que je n'arrive pas à définir.

Peut-être le fait qu'il soit dépressif ou fumeur de pétards mais je pense que ça vient d'ailleurs.

En partant, il m'a embrassé sur la joue en me tenant par la taille, ce que j'ai trouvé particulièrement excitant, même venant d'un homme ressemblant à un apprenti sorcier.

Je lui ai promis de le revoir dans la semaine.

Peut-être vais-je arriver à percer le mystère...

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4 février 2011

Tout ce qui brille

J'ai décidé de devenir riche, très riche.

Ca m'a pris comme ça, d'un coup, au réveil.

J'ai fait le point: j'ai dans mes contacts la Comtesse Andrews et Sir Mac Cormick. 

Ca, c'est le premier lot, le top ten des grosses fortunes. 

A eux deux, ils peuvent racheter le royaume du Danemark.

J'ai ensuite tout ce qui découle de ça: les amis riches de la Comtesse et de Sir Mac Cormick.

Leurs amis ont une fortune qui se chiffre en millions.

J'en compte dix (couples donc vingt potentielles proies, du moins dix-neuf trois quarts car la femme d'un de mes clients a perdu un bout de bras il y a des années, ils lui ont greffé un avant-bras en métal, elle y a rajouté quelques ornements précieux histoire d'égayer le membre).

Je suis respectée, c'est le plus important.

Mes clients ont confiance en moi, ils savent parfaitement qu'ils ne risquent rien.

Certains m'ont déjà hébergé durant des jours dans leurs demeures pour garder le toutou à domicile durant leurs vacances à Aspen.

J'ai tout gagné, à savoir au moins une chose et pas des moindres: la confiance.

J'utilise leurs cartes de crédits (pour régler leurs achats bien sûr, pas les miens, pas encore du moins...), je dors parfois dans leurs draps, j'ai un double des clés de certaines maisons.

Que puis-je tirer de tout ça ?

Une immense fortune bien sûr !

Pour se faire, je dois devenir plus amicale, moins sauvage.

On m'a déjà proposé de venir dîner, d'assister à des après-midis au Country Club...

J'ai toujours refusé, par pudeur ou par fierté, je ne sais trop.

Après tout, en quoi une fille comme moi issue d'un milieu modeste et n'ayant pas le physique d'un top model pourrait leur apporter quelque chose ?

Et si tout ça changeait ?

Je suis suffisamment bien payée pour m'acheter de beaux vêtements, si ce n'est qu'une question d'apparat.

J'ai contacté Ely, la maîtresse de Nuage, vous savez, cette adorable bête qui doit impérativement être promenée seule pour ne pas être influencée par les mauvais esprits de la bande ?

J'ai prétendu avoir égaré une clé et ai demandé à Ely si elle ne l'avait pas vu, étant donné que j'y étais passée l'avant veille pour prendre le chien.

Ely est une femme de la haute, profondément seule.

Elle est magnifique, la cinquantaine, elle a donné deux beaux enfants à son mari qui font de prestigieuses études au bout du monde.

Elle s'est retrouvée seule dans sa grande maison du jour au lendemain.

Des amis, elle n'en a plus beaucoup.

Ils ont trop "changé" m'a t-elle dit un jour, ils se sont trop embourgeoisés.

Elle s'ennuie, il lui manque cette petite "flamme" qui lui redonnerait le goût de vivre.

Je vais lui rallumer sa flamme moi, et je vais pas y aller avec le dos de la cuillère.

Comme je m'y attendais après mon appel, elle m'a proposé de venir boire le thé (son occupation favorite).

Nous avons commencé à parler de choses et d'autres et je me mise à lui poser des questions sur certaines marques de vêtements: "Vous savez, je voudrais vraiment me faire plaisir mais je ne pense pas assez à moi. Je passe mon temps à dépenser pour les autres alors que je ne roule pas sur l'or mais dès qu'il s'agit de moi, c'est comme si je n'y arrivais pas. C'est terrible d'être aussi généreuse pour les autres et aussi pingre pour soi. Je vais bientôt avoir 27 ans, je fais fuir les hommes, je me dis que si je m'offrais une belle robe, peut-être que ça me redonnerait un peu de joie de vivre ou ça attirerait le regard d'un homme..."

Emue, elle m'a pris la main: "Ma chère, voudriez-vous venir avec moi faire du shopping ?"

- Ca me ferait très plaisir, ça serait un peu comme une après-midi entre amies ?

- Oui ! Exactement !

Ely a demandé à son vieux chauffeur de nous déposer chez Chanel.

Gênée, je lui ai avoué: "Vous savez, je ne pense pas avoir le budget pour ce genre de magasins. On a qu'à aller chez Tati ?"

Ely m'a entraîné dans la boutique et j'ai essayé une dizaine de robes, toutes plus belles et chères les unes que les autres.

A la fin de l'essayage, elle m'a demandé laquelle je préférais.

J'ai lâché: "A vrai dire, c'est dur de choisir. Elles sont toutes si belles..."

Ely en a choisi trois, celles qu'elle préférait et m'a tout payé.

J'ai refusé (pas très longtemps).

La note ? Hum, presque 3000 euros.

Mais après tout, qu'est-ce que ça signifie pour celle qui dépense chaque jour le quintuple ?

C'est comme si elle participait à l'opération pièces jaunes.

Je me sens comme dans Pretty Woman, sauf que je ne ressemble pas vraiment à Julia et qu'Ely joue Richard Geere mais après tout, on s'en fout !

Ely m'a traîné chez un créateur de chaussures et m'a payé une paire superbe d'escarpins que je ne porterai jamais vu qu'il y a un talon de dix centimètres.

Quand je marche, on dirait King Kong. Mais après tout, là encore, qu'est-ce qu'on s'en fout !

Je crois qu'Ely est en train de faire un transfert d'émotion sur moi, elle me parle de sa jeunesse difficile de fille unique vivant dans un château en Bourgogne, de ses premiers amours qui lui ont piétiné le coeur, des illusions perdues au fil des années, blablabla, bref très émouvant.

J'écoute ce qu'elle me dit tout en lui souriant, comme si je comprenais tout ce qu'elle voulait me dire.

Je me demande quel "seuil" de dépense elle s'est fixée pour moi mais ça n'a pas l'air de lui tarauder l'esprit.

Je me sens mal (vite fait) d'abuser de sa solitude mais en même temps, je ne la force à rien, non ?

Je finis par lui dire que je suis gênée, qu'on ne m'a jamais offert autant de choses de valeur, que c'est le plus beau jour de ma vie (j'ai souvent dit ça enfant, en trouvant une pièce par terre).

Elle rie en me tenant la main: "Profites-en au lieu de t'excuser. S'excuser est une erreur. Une femme ne doit pas demander pardon ni ressentir de gêne. Tu dois t'affirmer, te sentir belle et te dire que si les gens font ce genre de choses pour toi, c'est parce que tu le mérites."

C'est officiellement le plus beau jour de ma vie et je suis à présent sûre que Richard Geere vit en Ely.

Je n'ai pas pu me retenir et j'ai balancé comme ça, d'un coup, comme un rototo qui m'aurait échappé: " Je t'aime aussi."

Ely a rougi et nous avons décidé de rentrer inopinément après cette phrase déplacée et angoissante.

Ely m'a déposé devant chez moi.

Pensant notre amitié ruinée à tout jamais, je suis sortie de la voiture et elle m'a dit: "Je t'ai fait plaisir, à toi de me rendre la pareille. Demain, mon fils aîné Andrea va rentrer à la maison, après six mois passés à Harvard. Il ne va pas très bien. Son amie l'a quitté, il a un terrain dépressif, comme son père. Il abuse des médicaments et de l'alcool ces temps-ci, ses notes ont chuté, il a eu des blâmes à Harvard. Nous lui avons ordonné de revenir pour la semaine, il faut qu'il se repose et voit de nouvelles têtes. Je serai ravie de te voir demain soir, tu parleras avec lui."

- Eu... D'accord.

Putain, quelle poisse ! Voilà le prix à payer pour se faire entretenir !

En plus, son fils est moche, y a des photos de lui partout dans leur maison.

On dirait Harry Potter, la même coupe de cheveux, les mêmes lunettes rondes, le même regard vide.

Bon ben allez, courage, de toute façon j'ai déjà eu ma soirée pourrie avec James hier, ça ne pourra pas être pire demain...

 

 

 

3 février 2011

Highlander

Hier, après mon entrevue avec O'Grady, j'ai filé à l'appartement et j'ai reçu un type à l'air louche prénommé Hamilton, une baraque vêtue d'un cuir noir avec une grosse nuque et la boule à zéro.

Il est venu m'apporter les quatre tableaux.

Il ne parle pas un mot de français manifestement.

J'ai engagé la conversation avec lui car je pense que mon niveau d'anglais est largement suffisant pour échanger deux mots mais il n'a rien répondu.

Il a déposé les tableaux bien emballés dans un coin et a grogné: "Never touch. Never open. Capish ?"

J'ai acquiescé d'un mouvement de tête et le gros Hamilton s'en est allé.

J'ai regardé l'heure: 19H30.

AÏe. 

Cette fois, c'est moi qui vais être en retard avec James.

On a rendez-vous à 20 heures dans un resto chic et je suis à au moins 45 minutes de métro.

Bah, tant pis pour lui, il attendra, chacun son tour.

Je ne sais pas quel genre de pressentiment s'est emparé de moi mais je n'ai pas fait d'effort pour me vêtir.

J'ai enfilé une vieille robe baba cool à imprimés fleuris, un legging beige élimé, mes vieilles bottes, et hop, même pas de maquillage, me voilà partie.

Je suis arrivée au rendez-vous à 20H30 mais James ne m'a pas appelé.

J'espère qu'il est là cette fois.

Je l'ai aperçu discutant à l'intérieur du restaurant avec un jeune homme appétissant, le serveur sans doute.

Celui-ci lui avait offert un verre en m'attendant.

Je me suis excusée du retard mais James n'a pas été rancunier.

On s'est assis à une table collée aux voisins, un couple de notre âge qui n'avait manifestement rien à se dire.

Ils ont passé leur soirée à se regarder dans le blanc de l'oeil en écoutant notre conversation.

Je ne supporte pas ces gens.

Ils n'ont même pas honte d'être aussi indiscrets et ennuyeux.

Nous avons commandé un excellent menu et James a commencé à narrer la longue, très longue histoire de sa vie...

Je vous le fais en accéléré: "Je suis né dans les Highlands en... Mon père, d'origine.... nous a toujours inculqué de grands principes de vie.... J'ai rencontré ma première copine en.... Entré à la fac en... avec deux ans d'avance.... premier de ma promo.... je réussissais tout.... plus beau.... plus fort.... plus intelligent...."

Au secours !! 

Il m'empêche de digérer mon repas.

Auriez-vous un gros pot de Malox à me prêter ?

James est prétentieux, archi narcissique et fier de lui.

Il parle comme s'il écrivait sa biographie, c'est atroce.

Il ne parle que de lui, encore et toujours, sans se soucier de moi.

Il finit par me demander, au moment du dessert: "Et toi, à part promener des chiens, tu as un vrai travail ?"

Quelle petite salope, ce James.

Je décide de ne pas finir mon repas, me lève et ose lui dire: "Ecoute, vu que de nous deux, tu es le plus fort, le plus beau, le plus intelligent et de loin le plus riche, paye donc le repas, moi je m'en vais. T'as pas d'allure comme ils disent au Québec."

J'étais persuadée qu'il allait m'empêcher de partir uniquement pour que je paie ma part mais il ne doit pas être étonné, je suis sûre qu'il les fait toutes fuir.

Même nos voisins de table ennuyeux sont partis avant la fin de leur plat.

J'ai regagné mon appartement après un détour par l'épicerie et une bouteille de rouge.

Dorénavant, je vais rester célibataire, ce sera une finalité en soi.

J'en ai marre de ne tomber que sur des enclumes.

J'ai bien assez de quatre tableaux à mille euros la semaine pour me combler de bonheur.

 

 

2 février 2011

Sir Mac Cormick O'Grady

Aujourd'hui, c'est le grand jour.

J'ai été intronisée auprès de Sir O'Grady, le consort de la Comtesse Andrews.

Ils ont tous deux vécu en Ecosse durant des dizaines d'années avant de venir prendre leur retraite à Paris.

O'Grady était un éminent professeur d'Art à Edimbourg mais a été accusé à la fin de sa carrière d'être un trafiquant de faux tableaux.

Peintre hors pair, génie de la haute société bourgeoise Ecossaise, j'ai souvent entendu parler de ce vieil homme par la Comtesse (je pense qu'ils ont été amants dans le passé).

Le pauvre O'Grady est sérieusement atteint d'alzheimer mais a un besoin urgent de mes services.

J'en déduis qu'il a un chien mais la Comtesse n'a pas voulu m'en dire plus.

Me voici donc au pied d'un magnifique hôtel particulier, il est quinze heures.

Une seule sonnette, j'ai du mal à croire qu'il possède tout l'immeuble.

Une bonne vêtue d'un tablier vient m'ouvrir et me conduit dans les appartements de Sir O'Grady.

La maison est splendide, du peu que j'entrevois.

Nous traversons un large couloir orné de tableaux splendides et de lustres en cristal.

Au bout du couloir, un véritable ascenseur, comme à l'époque, avec une grille noire devant.

Nous montons au dernier étage, c'est à dire au quatrième.

Cette maison est gigantesque, même sans avoir alzheimer on doit s'y perdre en permanence.

Au dernier étage, la servante me conduit au bout d'un large couloir au parquet craquant.

Elle toque légèrement à une large porte en bois.

Un vieil homme beugle: "Oui, ben ça va, j'ai compris."

Oula, O'Grady doit être un vieux méchant qui frappe ses employés avec sa canne en or massif.

Gênée, la soubrette pousse la porte et marmonne: "Bon courage."

O'Grady me tourne le dos, il est enfoncé dans un gros fauteuil en cuir en écoutant du Beethoven.

Le bureau est magnifique, encore une fois.

Les plafonds sont très hauts, avec de belles moulures et d'imposants lustres.

Au sol, des tapis sans doute rapportés de ses nombreux voyages.

Une grande cage à oiseaux est disposée à côté d'une fenêtre dont la lumière est tamisée par d'épais rideaux.

A l'intérieur de la cage, un couple d'inséparables.

O'Grady tousse comme si ses poumons étaient remplis d'eau.

Il fume une pipe et grogne: "Allons mon petit, avancez près de moi".

Intimidée, je m'avance vers lui.

O'Grady a gardé son visage d'antan.

Il est marqué mais on peut voir sur son visage à quel point il a ri dans le passé.

Il devait être bel homme.

Il me scrute en silence en haussant un sourcil: "Alors, c'est vous."

- C'est moi... Que puis-je faire pour vous ? La Comtesse est restée assez mystérieuse à ce sujet.

- Je... J'ai un service à vous demander.

- Oui ?

- J'ai quelques pièces majeures que je dois impérativement cacher, histoire de quelques semaines.

- Cacher ? Pourquoi ?

- Disons qu'il y a ces deux flics agaçants qui ne cessent de me persécuter. Ils sont Ecossais. Vous savez depuis quelle année ils me harcèlent ? 1980 ! De vraies tiques ! A l'époque, c'était de simples trouffions ridicules sans expérience. On leur a confié mon dossier, j'avais cinquante ans. Ils débutaient dans la police. Ils ne m'ont jamais laissé tranquille.

- Ils avaient peut-être une raison...

- On a tous des raisons d'emmerder le peuple ! Je suis un honnête citoyen mais ils auront ma peau un jour ou l'autre. Ils ont eu l'autorisation de venir fouiller ma maison, c'est officiel. Ils arrivent demain avec leur papier... 

- Mais pourquoi moi ? Je vis dans trente mètres carrés alors que la Comtesse a de la place.

- Non, la Comtesse est connue des services de police Ecossais. Ils n'hésiteront pas à fouiller chez elle. C'est juste le temps de quelques semaines. Je n'ai que quatre tableaux, des originaux, soyez-en sûre chère Demoiselle. 

- Pourquoi ne pas les garder ?

- Je dois de l'argent à mon gouvernement. Ils préfèrent se faire rembourser en oeuvres d'art qu'en argent, pour alimenter nos rares musées. Sauf que pour avoir ces tableaux, j'ai trop donné par le passé. S'ils les récupèrent, j'en mourrai.

J'étais franchement très embêtée par sa requête.

Toutes les questions qui me trottaient dans la tête ont rapidement pris fin quand il a lâche: "Vous serez payée très grassement. Dites un chiffre."

- Un chiffre ? Vous n'avez pas de chien, donc ?

- De chien ?! Quelle horreur ! C'est dégoûtant ! Je n'ai que des oiseaux, ils m'apaisent et me protègent.

- D'accord....

- Un chiffre, un chiffre bon sang de bois !

J'ai vu le vieil O'Grady devenir fou.

Il s'est mit à taper du pied en se balançant dans son fauteuil.

J'ai cédé: "Je suis incapable de vous donner un chiffre... Je n'ai jamais dû faire ce genre de "travail" auparavant."

Il a ri: "Bon, ben c'est comme au loto, c'est moi qui décide. Je vous donne 1000 euros par semaine."

- 1000 ?!

- Plus ?

- Quoi ?

- Vous voulez plus ?

- Eu, non, c'est super. Vous voulez que je garde d'autres choses ?

- Nân. C'est tout pour le moment. Disposez, je vous prie. Mon homme à tout faire va vous déposer les tableaux dans une heure.

J'ai regagné mes pénates rapidement.

Je n'arrive toujours pas à y croire: garder 4 tableaux dans un coin et être payée 1000 euros par semaine !

Cette journée est mémorable. 

C'est sans doute l'une des plus belles de ma vie (j'aime l'argent, que puis-je y faire ?).

Espérons que mon rencard avec James ce soir se passe aussi bien...

2 février 2011

Ah tu verras, tu verras, rien ne commencera...

J'ai passé une journée de merde, il faut le dire.

La comtesse m'a prié de venir shampouiner Lady avant mon rencard avec James.

La chienne était intenable, j'ai salopé toute la salle de bain en marbre de la Comtesse.

Giclure de sérum au soja sur les murs, les sols, les miroirs bref, heureusement que Teresa, la femme de ménage de la Comtesse, était là pour tout nettoyer.

J'ai promené six chiens, dont Brahms, le chien des "De Lacour La Feuillade", un couple de vieux nobles vivant reclus de toute la société dans leur huit pièces de 150 mètres carrés.

J'ai été recommandé auprès de ces gens par la Comtesse, à mon grand regret.

Ce pauvre Brahms (le compositeur, pas le chien) doit se retourner dans sa tombe en voyant qu'un vieux toutou porte son nom.

Ce Brahms a un caractère épouvantable, il veut dominer les autres et passe son temps à pisser partout.

Il a même pissé sur le moquassin d'un vieux monsieur lisant son journal au parc, heureusement celui-ci ne s'en est pas rendu compte.

J'ai été traînée sur la pelouse par Capone, un gros doberman hystérique qui a dû apercevoir un cornet de glace à l'horizon et s'est élancé en arrachant sa laisse, je n'ai pas cédé et je me suis retrouvée couverte de traces d'herbes sur les vêtements.

Le pire dans l'histoire, c'est que j'étais allée chez le coiffeur histoire de ressembler à quelque chose pour ce soir et ce foutu Capone m'a littéralement ravagé le visage.

J'ai encore de la terre dans l'oreille à l'heure où je vous parle.

J'ai dû filer chez Prada pour récupérer une robe bizarre commandée par l'époux de Mme X (je ne peux pas citer son nom, c'est elle qui possède "Capone" et elle n'est pas du genre à rigoler. Si elle apprend que je parle d'elle, elle m'enverra ses meilleurs hommes pour me faire la peau, c'est une femme de mafieux).

J'ai à peine eu le temps de filer chez moi pour me doucher que j'ai dû repartir pour mon rendez-vous.

J'ai trouvé le moyen de m'accrocher mon chemisier en soie tout neuf dans la poignée de porte en partant et me suis retrouvée avec une grande ouverture au niveau de l'avant bras droit, très chic.

Je suis arrivée essouflée et écarlate au rendez-vous.

James n'était pas là...

J'ai attendu cinq, puis dix, puis trente minutes mais le bougre n'est jamais venu.

Malheureusement pour moi, je lui ai donné mon numéro mais n'ai pas eu l'idée de prendre le sien (il faut dire qu'après cette histoire de bébé cerf dévoré, je n'avais pas vraiment la tête à ça).

Bredouille, j'ai regagné mon appartement avec une forte envie de pleurer, ou de vomir, je ne sais plus trop.

James m'a contacté deux heures trente après en s'excusant bêtement: "Je suis désolé, j'ai été retenu au travail, impossible de te contacter, j'étais en réunion et le chef n'était vraiment pas content. Je suis tellement désolé."

Ouais, ouais, c'est ça, et moi donc. 100 euros de coiffeur + chemisier en soie déchiré car partie trop vite de chez moi + emmerdée dans le métro par un accordéoniste dégénéré qui m'a presque arraché mon porte feuille = soirée de loose totale. Donc pas de pardon.

J'ai expliqué à James que je ne pouvais pas me permettre ce genre de "coups" et qu'il était hors de question qu'il me refasse ce genre de plan la prochaine fois.

Il s'est excusé à peu près cent fois et m'a juré de me retrouver à l'heure demain soir.

La suite au prochain épisode...

 

31 janvier 2011

Au Royal Animal

Aujourd'hui, j'ai eu un moment "tea time" avec la Comtesse Andrews.

Celle-ci m'a demandé un petit compte rendu sur l'état moral de Lady en sirotant un thé aux perles de jasmin.

Je vous passe les questions existentielles profondes : "Comment trouvez-vous l'état de son poil ? Il n'est pas assez soyeux je trouve, nous devrions lui acheter des sérums à base de soja pour rendre son pelage plus intense et lumineux. Je la trouve perdue ces temps-ci, elle ne semble pas totalement épanouie, comme si elle se sentait seule et triste. Nous devrions lui faire rencontrer un beau mâle afin de la distraire, de toute façon elle est stérilisée donc ça ne risque rien. Je vais vous charger de lui appliquer le sérum deux fois par semaine et je vais vous suggérer un club canin très côté où elle serait susceptible de rencontrer quelqu'un de bien."

- Quand vous dites "quelqu'un", vous parlez bien d'un chien ?

Mon dieu, comme si je n'en faisais pas assez, je vais devoir me cogner les shampoings et le club de rencontre canin....

Me voici donc partie au club canin "Royal Animal" pour faire rencontrer à Lady le chien de ses rêves.

Autant vous dire que dans ce genre de club, la galerie de personnages rencontrée est assez épique.

Les maîtres vivent complètement par procuration, ils délaissent leurs femmes et leurs enfants pour rester fourré au club toute la semaine.

Ils vénèrent leurs animaux et en parlent comme la plus grande fierté de leur vie: "Regardez mon bébé, il est si beau. Il arrive à sauter tous les obstacles sans tomber et obéit au doigt et à l'oeil. Assis mon bichon ! Couché ! C'est bien mon bébé, il est beau mon bébé, c'est le plus beau mon bébé !"

Les gens m'exaspèrent tellement dans cet endroit que je prétend ne pas parler français, ainsi j'arrive à éluder une bonne partie des conversations passionnantes : "D'où vient cette belle chienne soyeuse ? Elle semble avoir un sacré tempérament ! Et quel corps magnifique ! De beaux cuissots, des beaux yeux de femme..."

Mon dieu, c'est abominable, j'ai presque l'impression qu'on parle de moi. J'ai envie de vomir.

Une heure trente après les présentations épouvantables, le pedigree, les attestations et autres papiers du véto, me voilà en pleine conversation avec James, un bel anglais d'une trentaine d'années qui vient ici chaque lundi avec Hector, son lévrier.

James est installé à Paris depuis peu, il est français de part sa mère et anglais de part son père.

Il est avocat et manifestement, fiancé ou même marié à en croire son alliance (à moins que ce soit une chevalière, ce qui m'arrangerait bien).

James parle parfaitement français et se moque gentiment des propriétaires de chiens avec moi.

Je tente alors un petit coup de pub "Si vous voulez, je suis promeneuse de chiens dans le 17ème. Je fais ça depuis des années, j'ai de sérieuses références. Je suis mobile et peux si besoin promener votre chien de temps à autre."

James me confie alors que sa femme de ménage le fait tout aussi bien mais me remercie pour la proposition...

C'est officiel, je hais ce club canin et plus généralement, les chiens et leurs maîtres.

Lasse, j'écourte la conversation et lui souhaite une bonne soirée, ce qui semble l'étonner.

Je tourne les talons pour retrouver Lady qui est introuvable.

Je vais voir le propriétaire du club qui semble très mal à l'aise: "Ecoutez, on va la retrouver, ce n'est qu'une question de minutes, elle a pris la poudre d'escampette subitement pour poursuivre un pauvre fox terrier. Elle semblait furieuse. Ils se sont enfuis là-bas."

- Là-bas, genre vers l'autoroute ?!

- Eu... Oui, c'est à peu près ça. J'ai envoyé mes meilleurs hommes sur le coup.

- Vos meilleurs hommes ? S'ils se font aplatir par un poids lourd, vos meilleurs hommes ne pourront rien faire je crois...

Je me suis assise en priant le ciel que cette pauvre Lady ne se fasse pas écraser.

James est venu me rejoindre, manifestement embêté pour moi: "Je suis désolé, j'ai entendu la conversation... Vous voulez un café ?"

- Plutôt un bourbon...

Nous sommes allés à un bar pas loin du club et avons commencé à parler d'un tas de choses.

James me regarde et m'écoute avec intérêt mais en même temps, je suis sûre qu'il regarde son chien de la même façon. Ils sont tous tellement obsédés par leurs animaux ici.

Soudain, mon téléphone sonne, c'est le propriétaire du club: "On vient de retrouver ce foutu chien ! Il était en train de dévorer un bébé cerf dans le fond du bois avec le fox terrier."

Quelle horreur, pauvre bébé cerf.

Nous sommes repartis au club avec James.

Lady avait les oreilles baissées et semblait un peu honteuse.

Son museau était maculé de sang.

Dès que James a tourné le dos, j'ai mis un coup de pied à Lady, c'est parti tout seul, c'était plus fort que moi.

La chienne a poussé un hurlement.

Gênée, je l'ai caressé en riant: "Oh la la, on a honte d'avoir dévoré un pauvre innocent..."

James a ri.

Ce type est mort de l'intérieur, c'est officiel.

J'ai jeté Lady dans le coffre de la voiture et James m'a couru après: "Eh ! Au fait, je n'ai pas ton numéro, on pourrait se boire un verre si ça te dit un de ces soirs ?"

- Eu... Pourquoi pas...

Je lui ai donné mon numéro, le coeur battant la chamade, les mains tremblantes.

C'est presque trop beau pour être vrai.

Pire encore, James est trop beau pour être réel, ce doit être un hologramme ou un truc bizarre dans le genre.

Il m'a proposé de me voir demain soir dans un bar bobo de son quartier.

J'espère que ça se passera bien et qu'il me confiera des trucs fantastiques du genre: "Je suis célibataire et je me suis réservé pour toi toutes ces années durant. Je suis millionnaire et veux t'épouser. Ca te botte ?"

Vivement demain !!

J'ai rapporté cette garce de Lady à la Comtesse qui m'a harcelé de questions.

J'ai inventé qu'elle avait forniqué avec le fox terrier au fond du bois et qu'elle semblait vraiment super épanouie.

Que c'était un moment d'une telle intensité que tous les cerfs de la forêt sont venus les regarder en chantant (cette Comtesse est tellement à la masse après ses injections de botox que je peux lui dire n'importe quoi, elle ne comprend rien.)

J'ai récupéré le fameux "sérum" de soja mais après que Lady ait massacré ce pauvre cerf, elle peut bien se brosser pour son shampoing, je suis pour l'instant trop triste et énervée pour lui appliquer des soins.

Elle reste un monstre à l'intérieur, avec ou sans sérum.

Quant à la Comtesse, elle s'est endormie sur son fauteuil en me parlant, gardant un oeil entre-ouvert.

J'ai cru qu'elle aussi était morte.

Elle s'est mise à ronfler alors j'ai laissé les deux vieilles bêtes ensemble et me suis éclipsée.

 

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  • La vie quotidienne vue depuis le télescope de Rose, future trentenaire dont la vie est rythmée par les échecs amoureux, son travail de promeneuse de chiens pour riches dont la concurrence devient rude et surtout, qui a une vision de la vie bien à elle...
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